1999
Michel Bompieyre
MICHEL BOMPIEYRE
Livres de comptes
préface du catalogue de l'Ecole Nationale des Beaux Arts, Poitiers, 1999
Guillaume Goutal accorde une certaine importance au préalable dessiné
de sa production, ses dessins scandent la temporalité
du projet et son économie conceptuelle, témoignant
ainsi à travers une certaine unité de style d'une
grande variété de propositions. Ce jeune artiste
pose dès cette phase l'interrogation de la place qu'occupe
la "manufacture" dans son travail, prise ici dans
son mode artisanal.De fait ces dessins conditionnent par cette
question la nature des objets qu'ils génèrent,
dans le genre ils émargent à un statut conventionnel,
tout au moins tels que les sculpteurs les utilisent.En effet, tantôt picturalisés, tantôt à
la limite de l'esquisse, ces dessins n'ont pas la prétention
de délimiter un champ nouveau mais bien de témoigner
du concept. En
tant que tels ils doublent la représentation de l'idée,
de la représentation spatiale de l'objet et plus rarement
de son contexte : sauf à considérer que les fonds
quadrillés d'anciens cahiers comptables sur lesquels
ils s'inscrivent apportent leur part de contextualisation. La
nature de ces supports tout en rigueur orthogonale, normée,
établit un lien avec les comptes qu'il semble devoir
rendre à l'histoire du dessin, à la technique
qu'il tente d' accorder au vivant, voire à la physique
dont il se prévaut dans son registre de références. De façon plus générale il cherche à
échapper à ce qui enkyste la maîtrise artisanale
et à maintenir l'idée que le vivant régulerait
la technique en symétrie à une sorte de
morphogenèse. Guillaume Goutal en balisant lui-même le champ de sa pratique
entre les Ready-Made de Marcel Duchamp et le palais idéal
du Facteur Cheval, interroge sans cesse l'espace qu'il peut
occuper dans l'élaboration d'une oeuvre contemporaine.
Pareille position en échappatoire engendre un processus
d'élaboration particulier de l'oeuvre, proche des "rencontres"
chères aux surréalistes, chacun des éléments
pouvant remplacer le précédent ou le suivant.
Les pièces de bois ainsi élaborées par
un bricolage savant tutoient l'artisanat, tandis que d'autres,
moulages en résine d'objets manufacturés, tutoient
le bricolage. Le point d'équilibre recherché semble
bien être celui-ci, entre l'aspect brut des pièces
et leur apparente finitude : ni trop méticuleuses, ni
totalement bricolées, ni objets relevant entièrement
du design, ni objets totalement délivrés de leur
fonction d'usage. Saisie d'un certain maniérisme, cette
oeuvre paraît flotter. Nombre des pièces en bois
sont présentées accrochées en hauteur,
d'autres comme les tours, sans socle, veulent rendre visibles
les forces d'attraction et de réaction, d'autres encore
nécessitent une surélévation du sol, d'autres
enfin posées à même ce dernier n'ont pas
la masse nécessaire pour s'y fonder. Combinatoire, analogie
biologique, élévation... de tout cela nous parlent
les dessins.